C’est drôle comme notre relation a changé.
On se provoquait incessamment, agressifs. On mordait toujours nos recoins de cœur et de sensibilité pour se prouver que le faible, c’est l’autre. J’avais longtemps cherché un adversaire à ma taille. Quand je t’ai trouvé, toi et ton cœur déchu, toi et ton allure de salop, je me suis prise au jeu. Je ne me doutais pas du danger que tu allais représenter au départ, transformant ma vie en un vaste champ de bataille. Tous mes espoirs, tu les avais vaincus, toutes les joies, tu les avais détruites, et c’est moi qui me relevais tout de même pour te regarder en face.
Aujourd’hui, tu étais changé. On s’est posé comme des gamins sur un banc. On parlait sans mâcher les voyelles, on regardait le ciel comme une entité supérieure, ne prenant même plus la peine de vouloir l’affronter. Nos regards plein de tendresse et de méfiance s'écrasaient sur nos joues comme des petites sucreries, ils fondaient le long de nos joues. On a même pas pris la peine de les essuyer. On parlait comme des inconnus qui se rencontrent, qui se découvrent, on riait comme des adultes qui veulent oublier qu’ils ont grandis trop vite.
Pour une des premières fois, tu me voyais comme j’étais vraiment. J’ai laissé tomber l’armure. Tu as laissé tomber ton mouvement de recul.
Tu m’as laissé parler. Tu regardais mes lèvres par moment. Ton regard s’est fait très tendre quand tu m’as dit que mon discours partait dans tous les sens, que je ne finissais jamais mes phrases. Je continuais de parler, en bougeant très vite les lèvres, en riant très fort de mes propres conneries, en bougeant incessamment les mains.
J’ai été prise sur le fait, tu ne m’as pas laissé le temps de marquer un silence. C’était un mouvement doux et spontané à la fois, un mouvement en avant trop rapide pour pouvoir se préparer à dégainer. Ton baiser m’a surprise, je ne m’y attendais pas. Il m’a désarmé d’un coup, mis à nue.