Monstre-invisible

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Mercredi 1er février 2012 à 12:57

Il a toujours des choses cassées chez lui. Qu'il ne jette pas, forcément. Quand on habite seul, c'est ce qu'on appelle la déco. 
C'est peut être ces bouts de porcelaine éparpillés qui m'ont effrayé. Qu'il casse mon coeur en le regorgeant de cristaux, qu'il les brise dans ses draps.

J'étais donc dans son lit, nue. A mes côtés, des gros morceaux de verre. C'est l'image que j'ai eu lorsque je me suis réveillée. 
J'ai fait une série de gestes assez brusques. J'étais surprise de voir autant d'éclats de verre autour de moi. 

Le verre m'a transpercé la peau de toute part, j'étais comme une petite marionnette qu'on s'amuse à taillader. Très vite, le sang a coulé sur ma peau. J'en ai horreur. Depuis que je me suis faite électrocuter à l'âge de 3 ans, emmener aux urgences les deux mains totalement ensanglantées, l'image même du sang me prend aux tripes. J'ai eu un haut le coeur, je me suis levée, j'ai regardé mon corps meurtri sans lâcher les bouts de verre. J'ai soudain remarqué que je me suis moi même faite ces blessures. Je me suis auto mutilée sans le savoir. Tremblante, les yeux écarquillés, je me suis appuyée le long de la cuisinière, j'ai pris ma tête dans mes mains, je me suis laissée glisser sur le sol. J'ai pleuré, crié, suffoqué, appelé à l'aide. Il n'y avait personne à part lui, pâle silhouette dans la pénombre, lui qui chantonnait "ce n'est rien". Il n'est pas venu me relever, il est resté debout, à côté de la porte. Il n'agissait pas. Il ne réagissait pas. Avait-il cassé les verres par intention? Voulait-il assister à mes angoisses, à ma démence? 

Une voix extérieure s'est élevée. C'est la première fois que ça m'arrive. Mon inconscient a tiré la sonnette d'alarme. La voix m'appelait: "réveille toi! Ce n'est qu'un rêve!". Lorsque j'ai ouvert les yeux, j'étais persuadé de l'avoir vécu. J'ai senti les larmes, le sang, j'ai ressenti la souffrance, la haine. Il n'est pas de peine comparable que de vivre sa propre mort.

 

Jeudi 23 septembre 2010 à 14:09

 Il est 5 h du matin et l’alcool n’est toujours pas descendu. Dans 6 h, je me lèverai, des amis m’attendent pour déjeuner.
Je fume une clope au goût caramel, écoute Help, I’m Alive. Je sais que dans quelques heures, c’est le régime dolipranien qui s’annonce. 
Il y a 5 h, je tenais fermement à t’envoyer des sms, malgré mon état. 
Je bouge légèrement la tête quant à la nouvelle musique qui résonne. 
Le verre brisé, une des seules choses dont je me souviens. Ma destinée est de briser de beaux verres de moutarde plein d’alcool, et de sourire en pensant à toi.

Il y a Maxime, celui avec qui je fais toujours les conneries les plus dangereuses parce que c’est bon de rire et de se sentir vivant. 
Il y a Claire, cette entité romantique qui fait tournoyer sa maison comme un foutoir magnifique.
Il y a Elisabeth, cet ange dont ni mes yeux, ni mon corps se décollent, qui m’engagerait pour un strip à son enterrement de vie de jeune fille.
Il y a Mathieu, celui qui a le chic de se cuiter à la mort la veille de son anniversaire. 
Il y a Paul, qui me fait penser à toi par sa façon de rire à tout et de parler de tout. 
Il y a Thibault, celui qui se lèche le téton pour ponctuer les délires qui passent. 
Il y a les potes de Paul, qui me filent des clopes pour agrémenter ma danse.

Puis, il y a toi, au travers de ce petit écran de portable. Toi et ta voix un peu enrouée, les étoiles dans le ciel, le balcon qui n’a même pas la beauté de causer un vrai suicide. 
Je relève la tête, je vois les gens bouger en rafale, je reprends une gorgée de ce breuvage, et je souris parce que je t’imagine en face. 

Mon père se réveille pour une dure journée, je me couche bientôt. 

L’alcool dansait sous mes doigts, les verres tourbillonnaient, ma vue devenait floue, je regardais les gens avec une envie particulier, mes yeux se posaient ensuite sur mon portable en douceur, je me calais contre ce morceau de ferraille. Pour un instant, je ne parlerai plus avec entrain, je ne danserai plus follement, je me tairai pour appuyer sur ces foutues touches qui m’échapperaient des doigts, pour t’envoyer des smileys sans intérêt, pour te faire signifier que la soirée ne serait rien sans toi en arrière fond. Toi, dans ma tête, dans mon cœur, dans mes tripes. 

Je ne sais même plus comment j’ai atterri chez moi, je me souviens de Mathieu qui m’a raccompagné pour un bout de chemin, je me souviens de ma remarque « tu dois pas aller par là ? », de la sienne « Ah ouais, sûrement… », je me souviens de mon démaquillage, de la manière de marcher dans la rue, en m’arrêtant toutes les minutes parce que marcher droit, c’est pas trop pour moi, de ma façon d’observer la lune droit dans les yeux avec défi, penser que tu dors déjà, remettre cette musique, sourire, et repartir en fanfare.

Les éclats de verre ne coupent pas, l’idée est fausse. Par contre, les éclats de rire brisent le malheur en milles morceaux. Tu es mon rire, mon éclat, la lune dans le ciel, le soleil qui se lève peu à peu, le coin de lumière dans une salle sombre, les lignes que je tapote dans l’aube, ce verre d’alcool que je tiens en titubant, le regard doux que je pose sur les corps sans entrain pour les faire revivre, la chanson Let It Be des Beatles (et je t’emmerde si t’aimes pas), mes hésitations, mes envies, mes peines, mes hérésies.

J’aime bien finir une tâche. Les lettres ne font pas tâche, je me ferai une joie de ne pas m’appliquer à trouver les mots exacts. Voilà déjà 2 h que j’écris, l’envie de dormir m’est passée. Le temps passe vite quand on étale son bonheur en le faisant dégouliner des lignes, n’est ce pas ? 


N’oublie pas, tu m’amuses. Tu, ma muse. Dans moins d’un mois, on se retrouve. J’en frissonne d’avance, je veux me souler à tes mots, ingurgiter tes rires comme des shoots, engloutir toute la douceur de ce monde pour te la cracher ensuite à la gueule. Je veux que le vent me fouette le visage, fasse voler mes cheveux pour me faire reprendre conscience par moment, pour formuler des réponses claires, pour imprimer dans ma petite mémoire toutes les belles choses qui m’arriveront. 

Un je ne sais quoi a le don de me transmettre une joie sans égal. Si tu le croises un jour, remercie le de ma part, je t'en prie.


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